Vous venez de présenter votre 20ème opération, et passé le cap du 500ème logement en Bail Réel Solidaire (BRS), à notre comité d’engagement. Cela fait de Coopimmo le premier opérateur BRS en Île-de-France : comment expliquez-vous cette dynamique ?
Historiquement, Coopimmo est une structure qui a toujours fait de l’accession très sociale. En Île-de-France, nous étions l’une des premières structures productrices de logements sous forme de location-accession (PSLA) depuis le début des années 2000.
Au fil du temps cependant, avec l’augmentation des coûts du foncier et de construction sur certaines zones, le PSLA a peu à peu perdu de sa capacité à répondre aux besoins des ménages franciliens. Quand la loi a transposé le principe de dissociation foncier / bâti dans le droit français en créant le BRS, c’est tout naturellement que nous nous en sommes saisis pour continuer d’apporter une réponse aux besoins d’accession à la propriété des ménages modestes en zone tendue.
En tant qu’opérateur sociétaire de La Coop Foncière, nous avons non seulement la volonté, mais aussi la capacité opérationnelle de proposer des programmes en BRS et de favoriser l’accession sur des secteurs tendus, ou qui le deviennent. Sur ces communes, le BRS est vraiment très pertinent.
Dans la conjoncture inflationniste actuelle, le BRS permet de maintenir de l’activité et de continuer à proposer des logements neufs à des ménages sous les plafonds de ressources. Dès lors que les positionnements des prix sont bons et que l’efficacité sociale est vérifiée, nos commercialisations progressent, même si nous ne sommes évidemment pas totalement exonérés des effets de la crise.
Focus sur les 541 logements en BRS de Coopimmo
Depuis 2017 :
– 31 logements livrés
– 133 logements en chantier (5 opérations)
– 97 logements en cours de commercialisation (chantier non démarrés)
– 294 logements engagés dont 185 en 2023
Dans les 6 mois :
160 nouveaux logements à engager
Avez-vous perçu une évolution du regard porté sur le Bail Réel Solidaire par les villes ?
Aujourd’hui, sur le territoire sur lequel nous opérons, principalement la Métropole du Grand Paris et la Seine-et-Marne, les territoires et leurs outils d’aménagement, commencent à intégrer le BRS dans leur politique d’habitat et de développement.
D’autres sont encore en retrait, certaines communes privilégient la pleine propriété en s’appuyant sur une politique de prix maîtrisés, elles seront peut-être convaincues par le BRS dans quelques temps. Nous faisons un travail important de sensibilisation pour amener les territoires à mesurer l’intérêt d’un dispositif anti-spéculatif de temps long. Nous commençons à voir les fruits de notre travail de pédagogie ; Coopimmo développe des opérations sur 14 communes et La Coop Foncière est présente sur 47 communes. Par ailleurs, chaque année, un à deux territoires rejoignent La Coop Foncière pour porter des projets de BRS via nos opérations.
Les communes se saisissent du dispositif et nous sommes dans un échange permanent quant à la perception de l’outil et de ses spécificités. Les élus sont les portes-paroles des acquéreurs, ils font remonter leurs interrogations, sur le sujet de la taxe foncière, la revente, la succession notamment.
Nous sommes ainsi passés d’une logique d’opportunité à de véritables prises de position de la part de certaines communes. C’est le cas à Ivry-sur-Seine, désormais l’accession sociale passe par le BRS, avec la volonté de garantir des prix maîtrisés dans le temps.
Quels enjeux percevez-vous quant au BRS dans la période actuelle ?
Il y a une tendance, surtout dans une période de crise immobilière, à trouver des solutions de replis et à faire évoluer des dispositifs comme le BRS pour pallier beaucoup de manquements. Le BRS ne doit pas être pris pour une baguette magique à même de résoudre la grande diversité des besoins en matière de politique de l’habitat. Cela n’empêche pas que nous cherchions à expérimenter certains sujets pour tester la capacité du BRS à soutenir des politiques publiques telles que celles sur les copropriétés dégradées par exemple.
Nous devons consolider le cœur initial du BRS pour le faire connaître des français et l’inscrire dans la durée. Un des plus gros enjeu est de stabiliser les règles auprès des acquéreurs, pour que le produit soit mieux connu et approprié et que les acquéreurs se sentent sécurisés.
Manuel Laforest, directeur de Coopimmo
Sur la tentation de considérer le BRS comme une solution à la crise, il faut faire également la part des choses. Il faut rester vigilant à garder la maîtrise du modèle de BRS que nous soutenons et combattre la tentation de faire le pompier en “sauvant” des opérations en difficultés de commercialisation. Il s’agit toujours de rester le plus simple possible, sans vouloir faire du BRS où il n’y a pas de besoins avérés.
Enfin, il subsiste un important enjeu de pédagogie face aux réticences des acquéreurs. Cela reste pour nous un guide dans le temps, il faut faire un travail de pédagogie très soutenu par la démonstration de l’efficacité économique et sociale. Nous sommes convaincus que le BRS est un produit d’une grande pertinence et efficacité sociale dès lors qu’on ne perd pas de vue la cible de population que l’on vise.